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Un mystère grandissant

  Les jours s’écoulaient à l’école Impériale de Mor, et Mero tentait de se raccrocher à la routine – les cours, les entra?nements, les discussions avec ses camarades – mais un trouble grandissant perturbait son calme habituel. Leila, sa ma?tresse occupait désormais une place croissante dans ses pensées, non pas à cause de ses soins habituels, mais d’un changement qu’il ne parvenait pas à comprendre. Son ventre prenait du volume, un détail qui, au fil des semaines, devenait impossible à ignorer. Cette femme, toujours si rigoureuse et discrète, touchait souvent son abdomen, un geste qui semblait instinctif, presque inconscient. était-ce de la douleur ? Souffrait-elle en silence ? Mero, à quatorze ans, se sentait déchiré entre une inquiétude sincère et une confusion profonde face à cette situation qui lui échappait.

  L’atmosphère joyeuse des servantes ne faisait qu’accentuer le mystère. Elles échangeaient des sourires complices lorsqu’elles passaient près de Leila, leurs regards pétillant d’une allégresse qu’il ne comprenait pas. Comment pouvaient-elles être heureuses si elle souffrait ? Cette dissonance le laissait perplexe, presque perdu. Il avait grandi entouré de nobles et de serviteurs, mais jamais personne ne lui avait expliqué les réalités du corps humain, les transformations qu’il pouvait subir. Son éducation s’était concentrée sur la navigation, la stratégie, le commerce – des domaines de pouvoir et de conquête – et non sur ces choses simples, naturelles, qui semblaient pourtant si essentielles à cet instant. Il se sentait démuni, comme un marin face à une mer inconnue, sans carte ni boussole.

  Chaque matin, en croisant Leila dans les couloirs, il observait son pas légèrement plus lent, sa main qui effleurait son ventre avec une douceur étrange. était-elle malade ? Avait-elle besoin d’un guérisseur ? Il voulait lui poser la question, mais les mots restaient coincés dans sa gorge, prisonniers de sa timidité et de son ignorance. Elle était pour lui une figure maternelle, celle qui avait veillé sur lui depuis sa naissance, et la voir ainsi changée, sans en saisir la raison, ravivait une anxiété qu’il ne savait nommer. Il se surprenait à scruter les moindres indices – un sourire furtif sur son visage, un éclat dans ses yeux – mais rien ne dissipait le brouillard qui obscurcissait son esprit.

  Les servantes, elles, semblaient danser autour d’un secret qu’il ne partageait pas. Un jour, il surprit une jeune fille aux cheveux roux murmurer à une autre : ? Elle rayonne, n’est-ce pas ? ? Elles rirent doucement, leurs voix légères contrastant avec le poids qui oppressait sa poitrine. Pourquoi rayonnait-elle si elle souffrait ? était-ce une fa?ade, une force qu’elle feignait pour ne pas l’inquiéter ? Cette pensée le hantait, et il se reprochait de ne pas savoir comment l’aider. Il avait appris à commander des navires, à négocier avec des marchands, mais face à cette énigme, il se sentait aussi inutile qu’un enfant perdu dans une tempête.

  Un soir, alors que le crépuscule baignait les couloirs d’une lumière orangée, Mero trouva Leila dans la grande salle, supervisant les serviteurs qui dressaient la table pour le d?ner. Elle se tenait près d’une chaise, une main posée sur son ventre, un sourire paisible éclairant son visage fatigué. Ce fut trop pour lui – il ne pouvait plus supporter le silence, l’incertitude qui le rongeait. Il s’approcha, ses pas hésitants résonnant sur le parquet, et s’arrêta à quelques mètres d’elle, le c?ur battant comme s’il s’apprêtait à livrer une bataille.

  ? Leila, ? commen?a-t-il, sa voix tremblante mais sincère, ? tu sais que je t’aime comme si tu étais ma mère. Je m’inquiète pour toi – je te vois tenir ton ventre tout le temps. Souffres-tu ? ? Les mots jaillirent maladroits, presque précipités, mais ils portaient toute la tendresse et l’angoisse qu’il avait accumulées. Il baissa les yeux un instant, craignant d’avoir franchi une ligne invisible, puis releva la tête, cherchant une réponse dans son regard.

  Leila le fixa avec une surprise émue, ses yeux gris s’adoucissant sous la lumière vacillante des chandelles. Elle sembla hésiter, comme si elle pesait chaque mot avant de parler, puis un sourire tendre se dessina sur ses lèvres. ? Non, mon cher, je ne souffre pas, ? répondit-elle d’un ton doux, presque maternel, qui enveloppa Mero comme une couverture chaude. ? Ce n’est pas de la douleur. Ce que tu vois, c’est un signe de joie… un changement, mais un changement merveilleux. Ce n’est pas une souffrance, bien au contraire. ?

  Elle marqua une pause, cherchant ses mots avec soin, son regard fixé sur lui comme pour jauger ce qu’il pouvait comprendre. ? Ce qui se passe, c’est un secret que tu vas bient?t comprendre… mais il n’y a rien à craindre. C’est un cadeau de la vie, un événement naturel que tu apprendras à apprécier à sa juste valeur. ? Elle posa une main légère sur son bras, un geste rassurant, avant d’ajouter avec un sourire bienveillant : ? Mais en ce moment, je suis bien, ne t’inquiète pas. ?

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  Mero sentit une vague de soulagement l’envahir, mais aussi une gêne persistante. Ses paroles étaient apaisantes, mais elles laissaient un vide – un ? secret ? qu’il ne saisissait pas encore. Il per?ut une légère retenue dans son regard, comme si elle attendait qu’il déchiffre seul cette énigme, une vérité qu’elle ne pouvait ou ne voulait pas lui révéler entièrement. était-ce une maladie qu’elle minimisait par amour pour lui ? Ou autre chose, quelque chose de joyeux qu’il ne pouvait imaginer ? Il hocha la tête, confus mais rassuré par sa sérénité, et murmura un ? Merci ? presque inaudible avant de s’éloigner, son esprit tourbillonnant de questions sans réponses.

  Quelques jours plus tard, un changement brusque perturba son quotidien. En consultant son agenda, Mero découvrit que ses cours habituels – navigation, commerce maritime – avaient été remplacés sans qu’on l’ait consulté. à leur place figurait une nouvelle matière : ? Biologie du corps humain ?, suivie de sessions intitulées ? éducation sexuelle ?. Il fron?a les sourcils, une vague de frustration montant en lui. Il ne voulait pas devenir médecin ! Pourquoi l’obliger à suivre ces le?ons inutiles ? Pourtant, une part de lui, intriguée par le mystère de Leila, sentit qu’il y avait là une réponse à chercher.

  Le premier cours arriva trop vite, et Mero entra dans la salle avec une profonde gêne, ses joues rougissant avant même que la le?on ne commence. Autour de lui, une dizaine d’élèves, certains plus jeunes, prenaient place sur les bancs de bois, leurs regards oscillants entre curiosité et amusement. La professeure, une femme d’age m?r aux cheveux grisonnants et au ton posé, s’avan?a avec une pile de livres sous le bras. ? Aujourd’hui, nous allons explorer les bases du corps humain, ? annon?a-t-elle, sa voix calme tranchant avec l’angoisse qui nouait l’estomac de Mero. ? Ce sont des connaissances essentielles, même pour ceux qui ne deviendront pas guérisseurs. ?

  Elle commen?a par les aspects biologiques – les os, les muscles, le sang – des notions simples mais nouvelles pour lui. Puis, lentement, elle aborda des sujets plus intimes : les différences entre les corps masculin et féminin, les cycles naturels, et enfin, la reproduction. Mero sentit son visage s’enflammer à chaque mot, une montée d’embarras le submergeant alors qu’elle expliquait comment la vie naissait, comment un enfant grandissait dans le ventre d’une femme. Autour de lui, certains élèves semblaient à l’aise, murmurant entre eux avec une familiarité qu’il enviait, tandis que d’autres, comme lui, baissaient les yeux, maladroits face à ces vérités qu’on leur avait tues.

  à chaque question posée par la professeure, son anxiété croissait, mais elle poursuivait sans le juger, sa clarté bienveillante per?ant peu à peu le brouillard de son ignorance. Il comprit que ce n’était pas seulement une affaire de corps, mais aussi de respect, de responsabilités – des notions qui donnaient un sens nouveau à ce qu’il vivait. Pourtant, l’intimidation persistait, amplifiée par le regard des autres élèves, qui semblaient percevoir son malaise. Il aurait d? apprendre cela des années plus t?t, se reprochait-il, mais personne ne l’avait jugé nécessaire avant ce jour. Pourquoi maintenant ? était-ce lié à Leila ? à Mandarine ? Les pièces du puzzle s’assemblaient lentement, mais il n’était pas encore prêt à les voir toutes.

  Au fil des le?ons, les mots de la professeure commencèrent à éclairer des ombres dans l’esprit de Mero. Lorsqu’elle parla de la grossesse – un enfant grandissant dans le ventre, un processus naturel et merveilleux – une révélation le frappa comme une vague soudaine. Les paroles de Mandarine, murmurées lors de leur escapade sur le bateau, revinrent en force : son insistance à préserver sa vertu, à éviter les ? choses d’adultes ?. Elle savait. Elle comprenait ce qu’il ignorait alors – les conséquences, les responsabilités, la vie qui pouvait na?tre d’un moment d’intimité. Et Leila… son ventre rond, ses gestes tendres, ses mots sur un ? cadeau de la vie ?. Ce n’était pas une maladie, mais une grossesse. Elle portait un enfant.

  Mero sentit une chaleur lui monter aux joues, non pas seulement d’embarras, mais d’une humiliation profonde. Comment avait-il pu être si aveugle ? Les indices étaient là – la joie des servantes, la sérénité de Leila – et pourtant, il n’avait rien vu, prisonnier de son ignorance. Il se sentit trahi, non par Leila ou Mandarine, mais par ceux qui l’avaient laissé dans l’ombre, qui ne l’avaient pas préparé à ces vérités fondamentales. Pourquoi lui avait-on caché tout cela ? Pourquoi son père, ses précepteurs, même Leila, avaient-ils gardé le silence sur une part si essentielle de la vie ? était-il trop jeune, trop fragile, ou simplement pas digne de savoir ?

  Assis dans la salle de classe, le livre devant lui taché d’encre là où sa plume tremblante avait glissé, il se sentit profondément honteux. Mandarine avait porté cette connaissance avec une sagesse qu’il admirait à présent, et Leila avait traversé ce miracle avec une force qu’il n’avait pas reconnue. Lui, en revanche, avait été un enfant dans un monde d’adultes, incapable de poser les bonnes questions ou de saisir les réponses implicites. La colère monta en lui, froide et amère, dirigée contre ceux qui l’avaient maintenu dans cette innocence na?ve. Mais au c?ur de cette humiliation, une lueur de compréhension naissait – il n’était plus cet enfant ignorant. Ces le?ons, aussi gênantes soient-elles, étaient un pas vers la maturité, une porte ouverte sur un monde qu’il devait désormais affronter.

  Il baissa les yeux, les mots de la professeure résonnant encore dans ses oreilles, et murmura pour lui-même : ? Pourquoi m’avoir caché tout cela ? ? La question n’avait pas de réponse immédiate, mais elle marquait le début d’une quête intérieure – celle de comprendre, d’accepter, et peut-être un jour, de pardonner.

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